Le film Seaspiracy, diffusé sur Netflix, met en lumière certains des problèmes de nos océans. Mais les réalisateurs remettent aussi faussement en question la crédibilité des produits de la mer durables, notamment celle de notre organisation, le Marine Stewardship Council. Bien que nous soyons d'accord pour dire qu'il faut accorder plus d'attention à la crise de la surpêche, nous aimerions corriger certaines affirmations trompeuses du film.
Article 1 : L'urgence d'une pratique durable de la pêche
La population mondiale ne cesse de croître et devrait atteindre près de 10 milliards d'êtres humains d'ici 2050. Pêcher mieux sans mettre en danger l'environnement pour produire plus de ressources pour nourrir une telle population est le principal défi de notre époque. L'urgence de gérer et d'exploiter de manière responsable nos ressources alimentaires naturelles est plus que jamais présente. La pêche durable joue un rôle essentiel et vital dans la pérennisation de ces ressources. La gestion durable des ressources halieutiques garantit leur qualité alimentaire et sanitaire, et la sécurité alimentaire des réserves disponibles.
La « durabilité » est un terme souvent évoqué et il est donc logique que la définition de la pêche durable soulève des questions récurrentes. En bref, une pêcherie durable s'engage à gérer son volume de pêche avec précaution sur le long terme, afin de permettre aux populations de poissons de se régénérer et se rétablir.
Selon les normes MSC, la pêche durable implique non seulement la préservation et la sécurité des stocks de poissons, mais aussi la protection de la vie marine tout en tenant compte des droits de l'homme et des apports sociaux. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le blog de Anne Floor van Dalfsen.
Le référentiel MSC est la définition de la pêche durable la plus largement utilisée dans le monde. Notre référentiel est développé et révisé en consultation avec des scientifiques, des représentants de l'industrie de la pêche et des ONG et repose sur trois principes fondamentaux à respecter.
- Principe n°1 : Stock de poissons durable et disponibilité
Les populations de poissons doivent être saines et pouvoir se régénérer. Les niveaux sont déterminés sur la base d'études et des connaissances scientifiques mises à jour régulièrement. Les volumes de pêche autorisés dépendent de l'évolution des populations marines. Cette gouvernance permet de prévenir la surpêche et d'assurer la pérennité des populations de poissons.
- Principe n°2 : Impact environnemental marin minimisé
Outre la disponibilité d'une source d'alimentation plus stable, la gestion durable vise et exige également une gestion intelligente des ressources. Toute pêcherie certifiée MSC doit minimiser activement ses captures accidentelles d'espèces non ciblées (by-catch), de façon à prévenir au possible tout impact sur les structures halieutiques et la destruction de la flore et de la faune marines, et à maintenir la fonction et la diversité de l'écosystème marin. Ces pêcheries doivent démontrer par des rapports d'expertise scientifique qu'elles observent strictement ces règles et critères. Les pêcheries s'engagent à mettre en œuvre des mesures telles que l'usage de chaluts à plus gros maillages empêchant la capture de jeunes poissons, ou le recours à des mécanismes d'échappatoire pour les dauphins et les tortues, ou encore, limitant l'usage de chaluts de fond aux zones sableuses où l'impact sur les habitats marins est minime.
- Principe n°3 : Gestion efficace, régulation et surveillance
Souvent, une pêcherie regroupe des bateaux de plusieurs entreprises, parfois originaires de différents pays. Il est donc essentiel de disposer d'un système de gestion qui garantit le respect des accords communs et permet de les adapter aux différents changements. La pêcherie doit également satisfaire aux règlementations et lois en vigueur. Les pêcheries qui ne sont pas astreintes à des réglementations gouvernementales peuvent néanmoins être gérées efficacement par le programme MSC. En cas de manque de soutien et de contrôle des autorités publiques, un programme particulier tels que celui du MSC est un outil efficace pour introduire des limites de capture et des moyens de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
Les performances des pêcheries sont mesurées et évaluées annuellement selon 28 indicateurs répartis sous ces 3 principes. Chaque année, les principes sont revus et améliorés, et doivent, le cas échéant, être implantés et respectés dans un délai imparti. MSC vise à une optimisation continue de son programme.
Si l'industrie mondiale de la pêche n'a pas l'opportunité d'opter pour des pratiques de pêche durable conformes à celles du programme MSC, la prévision de Sylvia Earl, océanographe auprès de Mission Blue, pourrait alors se révéler exacte. Sylvia Earl : « Si nous poursuivons la pêche intensive des espèces sauvages comme nous le faisons de nos jours, dans une cinquantaine d'années, la pêche commerciale n'existera plus, car les ressources halieutiques seront taries ».
Heureusement, opter pour une pêche durable reste un choix qui nous est encore offert.
Article 2 : Oui, la pêche durable existe et elle permet de préserver les océans.
Le film Seaspiracy diffusé sur Netflix soulève un large éventail de problématiques auxquelles sont confrontés nos océans. Par contre, les réalisateurs questionnent et mettent également en doute - à tort - la crédibilité de la pêche durable et de ses produits, et en particulier le travail de notre organisation, le Marine Stewardship Council (MSC). Si nous sommes en effet d’accord pour donner plus de visibilité à la crise de la surpêche dans le monde entier, nous souhaitons apporter notre éclairage sur des affirmations trompeuses du film pour rétablir la vérité.
La pêche durable existe-t-elle ?
Oui, la pêche durable existe bien. La « durabilité » est un terme souvent évoqué et il est donc logique que la définition de la pêche durable soulève des questions récurrentes. En bref, une pêcherie durable s'engage à gérer son volume de pêche avec précaution sur le long terme, afin de permettre aux populations de poissons de se régénérer et se rétablir.
L'une des merveilles que les océans peuvent nous offrir est que les populations de poissons peuvent se régénérer et se rétablir si elles sont gérées avec soins et précaution sur le long terme. Il existe de nombreux exemples de populations de poissons qui se sont rétablies grâce à une gestion responsable, alors même qu’elles étaient surexploitées et au bord de l’effondrement. C'est le cas de la légine australe et du merlu en Namibie après des années de surpêche par les flottes étrangères, ou de l'augmentation de certaines populations de thons essentielles au niveau mondial.
En outre, veiller à la pérennisation des populations de poissons, c'est veiller à notre avenir. Des études scientifiques indiquent que les populations de poissons bien gérées et durables sont aussi plus productives sur le long terme, permettant de produire plus de ressources pour nourrir une population mondiale grandissante, qui devrait atteindre 10 milliards de personnes en 2050.
La certification MSC n'est-elle pas trop laxiste ?
La certification MSC pour la pêche durable impose de satisfaire aux critères rigoureux et scientifiques du cahier des charges, auxquels doivent répondre chaque année les pêcheries certifiées. L'ONG MSC est très fière de contribuer à la transformation des pratiques de pêche aux côtés de nombreux autres partenaires et organisations. Il existe à ce jour plus de 400 pêcheries certifiées MSC dans le monde. Le processus d'évaluation et de certification n'est pas mené directement par MSC, mais est réalisé par des experts et des organismes d'évaluation indépendants. Il s'agit d'un processus entièrement transparent et les scientifiques, les ONG et d'autres parties prenantes ont de multiples occasions d'apporter leurs contributions tout au long de l'évaluation. Toutes nos évaluations peuvent être consultées en ligne sur le site Track-a-Fishery.
Seules les pêcheries qui répondent aux exigences rigoureuses et scientifiques de notre cahier des charges sont reconnues durables par le système de certification du MSC. Contrairement à ce qu'affirment les réalisateurs du film, la certification n'est pas un processus facile, et certaines pêcheries passent de nombreuses années à améliorer leurs pratiques afin de satisfaire à nos exigences environnementales très strictes. En effet, selon notre étude, la grande majorité des pêcheries qui effectuent des pré-évaluations ne remplissent pas tous les critères du cahier des charges et doivent apporter des améliorations significatives pour pouvoir prétendre à la certification.
Le MSC serait-il financé par le secteur industriel ?
Le MSC est entièrement transparent quant à son modèle de financement et de fait, il est incorrect de suggérer, comme dans le film en question, que notre processus de certification indépendant serait motivé par des raisons financières.
Le MSC est une ONG à but non lucratif entièrement indépendante et créée par le WWF et Unilever il y a plus de 20 ans pour lutter contre la surpêche. Nous ne sommes pas une entreprise commerciale et nous ne recevons aucun revenu des pêcheries ou des organismes d’évaluation par une tierce partie quelconque.
Nos revenus proviennent de deux sources : les dons de fondation caritatives telles que la Nationale Postcode Loterij et l'octroi de licences pour l'utilisation de notre écolabel bleu, qui est utilisé par les entreprises de la chaîne d'approvisionnement, telles que les producteurs alimentaires, la grande distribution et les restaurants, pour garantir que leurs approvisionnements en poissons, coquillages et crustacés sont certifiés MSC et durables. L'apposition de notre écolabel est une démarche volontaire et seule une partie des produits de la mer provenant de pêcheries certifiées durables porte cet écolabel.
Le MSC est entièrement transparent quant à son modèle d'organisation. Nous pensons que la demande des citoyens pour des produits durables de poissons, coquillages et crustacés contribue à la transformation du secteur de la pêche et encourage toujours plus la mise en place de pratiques de pêche durables dans toute la filière. Les entreprises versent une participation pour apposer notre écolabel MSC bleu sur les emballages de produits de la mer durables. Tous les revenus obtenus de l'octroi des licences-écolabel sont réintroduits dans notre programme de travail. Cela comprend par exemple, l'attribution de subventions par le biais du Ocean Stewardship Fund, notre fonds d'appui à la pêche durable dans les pays en développement.
MSC certifierait aussi des pêcheries qui présentent des niveaux inacceptables de captures accidentelles ?
Les pêcheries certifiées MSC doivent prouver qu'elles minimisent activement leurs captures accidentelles d'espèces non ciblées (by-catch). Les pêcheries qui doivent s'améliorer dans ce domaine peuvent se voir fixer des objectifs qu'elles doivent atteindre pour conserver leur certification, sans quoi elles risquent d'être suspendues. La pêcherie islandaise de lompes mentionnée dans Seaspiracy est un bon exemple. Elle a été suspendue du programme MSC en raison de problèmes liés aux prises accessoires et n'a été autorisée à réintégrer le programme que lorsque ces problèmes ont été résolus.
Il existe de nombreux exemples positifs de pêcheries certifiées MSC qui introduisent des innovations pour protéger la biodiversité marine, comme la modification de l’engin de pêche pour diminuer les prises accidentelles de tortues ou l'ajout de lumières LED pour augmenter la sélectivité des engins.
La pêche durable est nécessaire et contribue à protéger l'océan et nos sociétés
Bien qu'en désaccord avec la plupart des propos des réalisateurs du film Seaspiracy, nous sommes alignés sur un point : il existe une crise majeure dans nos océans, la surpêche. Des millions de personnes dépendent dans le monde des produits de la mer pour leurs besoins alimentaires. La population mondiale devant atteindre 10 milliards d'habitants en 2050, il est plus urgent que jamais d'exploiter nos ressources naturelles de manière responsable. La pêche durable a un rôle vital à jouer dans la pérennisation de ces ressources.
